lundi 27 novembre 2017

25. La moustache à Plenel

A propos de la caricature d’Edwy Plenel dans Charlie Hebdo


Classement :




Référence
*Charlie Hebdo, n°1320, 8 novembre 2017, page 1

Texte et image
(version publiée dans L'Express)
« Affaire Ramadan, Mediapart révèle : "ON NE SAVAIT PAS" »

La réaction de Plenel (alias Moustacha Kamal)
Visiblement, Plenel n’a pas apprécié. Il a exprimé ses sentiments en montant rapidement très haut : « ils ont beau me haïr, ils ne m’apprendront pas la haine » (il cite Romain Rolland) ; il parle ensuite de « l’affiche rouge de Charlie Hebdo » puis affirme péremptoirement que cela fait partie d’une campagne de « guerre contre les musulmans ».
Il a reçu le soutien de 130 personnes (dont Piketty, que, vu son manque d’humour, on imagine bien « indigné », de Haas) qui estiment que cette couverture met gravement en cause un média indépendant, honorable, etc. avant de recourir à du vocabulaire extrême (« une couverture haineuse et diffamatoire »).

Le dit et le non-dit de la une de Charlie Hebdo
Le dit
« Affaire Tariq Ramadan
Mediapart : on ne savait pas ».
Tout ce qu’on peut reprocher à cet énoncé, c’est de ne pas tenir compte de la présomption d’innocence de Ramadan (dans le domaine sexuel). Le texte suppose que Ramadan est coupable et que Mediapart, qui est assez proche de lui, est un peu dans la mouise à cause de cette affaire. La parade défensive « on ne savait pas » est évidemment un peu bancale pour un organe qui se prétend « d’investigation ».

Le non-dit
1) le double jeu idéologique de Ramadan
Du point de vue de Charlie, ce n’est pas le comportement sexuel de Ramadan qui importe réellement (encore que cette affaire soit plutôt amusante concernant un « dignitaire » si propre sur lui, qui n’aime pas les femmes adultères), c’est son double jeu dans le domaine idéologique. Pour Charlie, Ramadan est un islamiste, certes pas terroriste, mais tout de même ambigu dans le domaine politico-institutionnel (refusant de condamner catégoriquement la lapidation, par exemple).
Et sur ce plan, il est évident que Mediapart en général, et Plenel en particulier, ont fait le maximum pour ignorer ou plutôt pour occulter le double jeu de Ramadan, qu’ils ont toujours préféré à Abdelwahab Meddeb ou à Abdennour Bidar.

2) Edwy Plenel est ridicule
La une de Charlie Hebdo est certainement méchante et vacharde, mais ne marque pas la moindre « haine » envers Plenel, seulement  la volonté de profiter de l’affaire Ramadan pour le ridiculiser et lui marquer un certain mépris (plutôt amusé que tranchant, du reste).
Pour cela, Coco s’attaque à un détail physique de la personne de Plenel : la moustache, qu’il arbore avec tant de fierté. En la dotant de petits bras et mains, elle en fait l’instrument de l’ignorance de Plenel et ridiculise à la fois la moustache et la personnalité de Plenel.
En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une infirmité (une bosse, un pied bot), mais d’un attribut facultatif que Plenel a choisi d'arborer et dont il a choisi la forme, plutôt voyante.
Je suppose que Plenel n’avait jusqu'à cette date jamais subi publiquement d’atteinte à sa grosse moustache ; ne pouvant s’indigner (comme il aurait pu le faire si on avait ironisé sur une bosse), au lieu d’assumer (en la fermant, ou en ironisant gentiment), il adopte la posture de l’offense politique majeure (contre Mediapart, contre les musulmans) et porte le conflit à des niveaux qu’il n’avait pas lieu d’atteindre. En fin de compte, la « haine » dont il parle n’est pas celle que Charlie Hebdo n’a pas pour lui, mais celle que lui a pour Charlie Hebdo (pas pour Coco, auteur du dessin, mais pour un journal que, cependant, « il ne lit pas »).
Un détail intéressant de la caricature est la véracité du dessin des yeux de Plenel, cette espèce de sourire qu’il a dans les yeux, quand du moins, il parle, à Mediapart, avec des « amis », quand il veut leur manifester son infinie bienveillance. Le réalisme du dessin des yeux contraste avec le délire du dessin de la moustache !

3) les musulmans
Seuls sont mis en cause dans cette une : Ramadan, Plenel et Mediapart. En aucun cas, les musulmans ne le sont. « Les musulmans » ne font nullement partie du non-dit. Il est donc remarquable que Plenel les ait réintroduit dans le débat sur cette une.
Apparemment, il ne voit pas ce qui est évident (le double jeu de Ramadan) mais voit ce qui n’est pas (les musulmans dans la une de Charlie). Peut-être pensait-il à la une précédente (« Je suis le sixième pilier de l’islam »), où les musulmans ne sont pas plus présents, du reste, mais l’islam, oui.

De Plenel à Strauss-Kahn
La réaction de Plenel me fait un peu penser à la réaction de Strauss-Kahn après la chronique de Stéphane Guillon : venu à France Inter pour parler de son rôle comme directeur du FMI et de sa future candidature à la présidence de la République, il est mis en cause par l’humoriste, de façon vacharde et méchante, mais hilarante, sur son comportement sexuel (ceci bien avant l'affaire de New-York) ; réaction : il la joue « colère froide » (non-dit : « tu as de la chance que je ne sois pas Staline »). Deux ans après, il se retrouve en taule pour avoir fait ce dont il s’était indigné que Stéphane Guillon l’évoque (agresser une femme).



Création : 27 novembre 2017
Mise à jour : 10 décembre 2017 (illustration)
Révision : 8 septembre 2020
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 25. La moustache à Plenel
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.fr/2017/11/la-moustache-plenel.html








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