jeudi 30 novembre 2017

27. L'écriture inclusive 1. le point médian

A propos de l’écriture « inclusive » : le point médian


Classement : linguistique ; grammaire française ; orthographe




Dans la foulée de l’affaire Weinstein, il semble que la « parole se soit libérée » dans d’autres domaines, de façon pas forcément aussi légitime. Notamment sur les questions de l’ « écriture inclusive » et de la « féminisation de la langue » (un autre domaine de « libération de la parole » est celui de la soi-disant racisation de la société française).
Je commencerai par évoquer la tentative d’introduction d’un nouveau signe d’écriture : le « point médian ».

Cette notation permet de contracter l’écriture de deux mots proches, différenciés par les marques « masculin » et « féminin » : par exemple « les citoyens et citoyennes ».
La forme contractée sera donc « les citoyen.ne.s » qui est supposée être lue « les citoyens et citoyennes » [normalement, les points dans « citoyen.ne.s » ne seraient pas en bas (point de phrase), mais au milieu de l’interligne. On s’en fout].
L’usage de cette contraction est compréhensible dans certains cas : dans les petites annonces (pour gagner de la place et payer moins cher), sur les banderoles de manif (pour gagner de la place), dans les SMS, si on veut (mais on peut aussi y écrire des tas de choses qui ne seront jamais reconnues officiellement, sauf comme référence à ce type d’écrit ou pour un effet comique : « Ma 6t va craquer »).
En revanche, cela ne paraît pas justifié dans la presse ou le livre, ni dans la langue administrative. Les journalistes et chroniqueurs qui l’utilisent (comme dans un récent numéro de Libération) prouvent simplement qu’ils sont très satisfaits d’eux-mêmes en se donnant des airs de « rebelle attitude » (regardez, ce que je suis iconoclaste, k mèm).
Evidemment, cette notation résulte d’une situation où on avait tendance à écrire (manifs, notamment) « les citoyens » pour désigner tout le monde (mâles et femelles) ; l’ajout de ces signes bizarres constituait un coup de force idéologique (très minuscule, cependant) assez marrant, qui pouvait être justifié. Il ne s’ensuit pas que cela doive devenir une norme générale : si on veut différencier les mâles et les femelles, il vaut mieux écrire dans les domaines d’écriture normée, « les citoyens et citoyennes » ou « les citoyennes et citoyens » (dans les discours, la formule est « Mesdames, Messieurs » et non pas l’inverse. Faudrait-il écrire « Mes.dame.sieur.s ». Là où il n’y a pas de norme, « les citoyen.ne.s » peut bien le faire !
Du reste, s’il s’agit de rendre aux femmes la place qu’elles méritent, je ne suis pas sûr que la graphie« les citoyen.ne.s » apporte grand-chose. En effet, c’est le radical qui est mis en valeur, or le radical évoque plus le genre masculin, pour la simple raison qu’en français, quand la différence lexicale existe, le mot « masculin » est presque toujours plus court (surtout à l’écrit) que le mot « féminin » (« petit, petite », « maçon, maçonne », « ajusteur-outilleur, ajusteuse-outilleuse »), exception, par exemple : « cane » et « canard », et non pas « canarde ») ; par conséquent, le mot « masculin » est souvent plus proche du radical que le mot « féminin ». Donc « les citoyens et citoyennes » ou « les citoyennes et citoyens » sont des formules beaucoup plus efficaces, et plus naturelles (cela dit indépendamment de toute idée de « déconstruction des stéréotypes »), pour valoriser les femmes en tant que membres de la 6t.

Morceaux choisis
*Libération, 25 novembre 2017, chronique de l'écrivain Camille Laurens« nous savons bien qu'il ne faut pas dissocier le sort des canard.e.s de celui des humain.e.s ».
Cette remarque est fondée sur le fait que le 25 novembre est à la fois la Journée pour l'élimination de la violence contre les femmes et la Journée mondiale anti-foie gras.
Dans sa formulation, on a l'impression que la femelle du canard est appelée « canarde » !  Problème : comment écrire inclusivement l'opposition « cane/canard » ? Can.e.ard ? Logiquement en effet, c'est l'élément le plus court (généralement le masculin, ici le féminin) qui devrait venir en premier...



Création : 30 novembre 2017
Mise à jour : 20 décembre 2017
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 27. L'écriture inclusive 1. le point médian
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.fr/2017/11/lecriture-inclusive-1-le-point-median.html








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